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Sénégal : le phare ouest-africain

Dernière mise à jour : 14 juin




SEM Bassirou Diomaye Faye, Pdt du Sénégal

Le Sénégal a présenté au monde un nouvel élu. Il est jeune, musulman, polygame… sénégalais. Il est moderne, lettré, haut-fonctionnaire. Inspecteur des Impôts et Domaines, il aime les livres. Syndicaliste, il s’est révélé en politique. En dix jours de liberté, il a porté une populaire aspiration au changement qui a balayé tout l’ancien régime sénégalais, aussi bien générationnel que politico-institutionnel, dont Macky Sall, le président sortant, était le dernier et obtus héritier, en dérive autoritaire et ayant commis l’irréparable impair de tripoter les règles constitutionnelles en fin de son raidissant mandat. Bassirou Diomayé Faye est-il le « chamboule-tout » sénégalais ainsi que le Chef, en l’état, de l’ancien maître français, Emmanuel Macron, avait été qualifié en 2017, lors de son investiture, par le président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius. On parlait alors de « la fin du monde d’avant »… désormais pour le pire selon les Gilets Jaunes et bien d’autres innombrables sourires de même coloration en France, dans le monde et surtout au Sénégal. Ici, on aura bien tôt fait de déchanter depuis lors.


Le nouvel élu sénégalais apparaît, quant à lui, une fois levé le voile générationnel et structurel des vieux partis politiques et leur bourgeoisie administrative, comme une alternative et une alternance, la plus stricte antithèse à son homologue et aîné de 2 ans, déjà si roublard et as des vieilles ficelles françafricaines qui ont fini de lasser le peuple fier et intelligent de la Teranga. Disons-le franchement : le vote du président Faye est aussi le rejet du Sénégal français : celui des mêmes élites et de leurs collusions économiques, politiques, diplomatiques et stratégiques ! Senghor était le parfait élève de la francité au point de tutoyer le maître en l’exaltation de sa langue et une ivresse de sa culture et son goût déclamées comme passerelles de réconciliation et n’en devenir qu’une seule chair. Diouf hérita de ce legs dont il poursuivit d’ailleurs l’œuvre en son cœur de la Francophonie, obséquieux et courbé. Le maître et l’élève le voulaient socialistes… sénégalais, copiant jusqu’au découpage sociopolitique français. Au bout de 40 ans, en l’an 2000, et après 40 ans à façonner cette caste, ces socialistes redondants africains furent renversés par les libéraux du PDS (Parti Démocratique Sénégalais), portés par Abdoulaye Wade, à 80 ans. Vous avez dit alternance gauche-droite ? Soit une parfaite copie du modèle colonial.


Puis le pays profond, celui des Daara, des pêcheurs, des porteurs à dos d’ânes, des taxis-brousses se lasse de ce charme désuet de la terre d’accueil, du tourisme et ses cartes postales d’un autre âge qui font fermer les yeux en échange d’un pourboire. Soudain le train du changement, faisait des éructations d’une histoire bouillonnante, impérieuse et sans respect du transit ni du timing du maître. Quand la houle descend dans les rues, anesthésiée par la répression, enivrée par les fantômes des ancêtres tutélaires du pays de Cheikh Amadou Bamba. De cette terre, en cet air, cette pâte faite de chair, de sang et de mémoire, de souvenirs de cimetières, de Leclerc, de martyrs, de Thiaroye, de rêves d’aventures, du « Dem Dem » que chantait Ndour, le matin du départ, de ventres vides, et d’une tranche de géopolitique secouée en ses entrailles par un puissant laxatif panafricaniste qui viendra exciter des parois intestinales irritées pendant 20 ans et construire un modèle alternatif sénégalais ! Ousmane Sonko en est le visage, l’âme de cette alternance et le jumeau politique du président Faye.



Une alternance synonyme de STOP à la dérive autoritaire du pouvoir en place, à la corruption économique et morale du pays, au Franc CFA, à la Françafrique et ses suppôts. Place au respect des institutions, à plus de souveraineté politique, économique et monétaire. Stratégique. Place à la redistribution en lieu et place d’une génération à thésauriser et spéculer, « ne laissez nulle part où la main ne passe et repasse », semblait dire à ses amis le baroudeur Macky Sall tandis qu’il tenait la Constitution d'une main et... Place à une nouvelle vision régionale (CEDEAO) et panafricaine ! Un projet comme inspiré par un autre éminent sénégalais, un géant même : Cheikh Anta Diop ! Le savant, outre son travail titanesque en égyptologie, est également auteur d’une puissante œuvre historique, anthropologique et politique aux sources d’une implémentation du projet panafricaniste (lire article panafricanisme, idéologie politique et religion en puissance).



Un laboratoire, le Sénégal, terre de grande diversité ethnologique et religieuse dont le poids

politique et culturel est aussi subtil que déterminant. Terre d’accueil, carrefour religieux, image internationale positive, rayonnement culturel et intellectuel… En phase avec le pays, son histoire et son attachement à la liberté, le duo Faye-Sonko une leçon digne du Colloque du Caire (1974) à la vieille politique, ses sondeurs et médias à antennes cataleptiques. Le Sénégal est un pays-clé de la CEDEAO, on le jugera à l’aune des rapports du nouveau président Diomayé Faye et les pays de l' AES, démissionnaires de l’espace CEDEAO et ayant annoncé l’exploration de pistes de sortie du Franc CFA, monnaie de singe qui ne circule même pas entre son espace ouest-africain et celui de la zone CEMAC en Afrique Centrale. Faye est élu. Avec Sonko ils jouissent d’une popularité et d’une légitimité inouïes. Seul le temps dira si les discours seront traduits en burins pour façonner une réalité structurelle parfaitement hostile, des opposants de l’intérieur et de l’extérieur, les majorités et coalitions changeantes dont est coutumier le pays, bref, tout ce que l’on appelle avec autant de cynisme que d’hypocrisie la bien vicieuse realpolitik ! Le temps dira le Pastef comme les Hommes ! Il n’y aura pas d’alternative… au risque d’une alternance prématurée et incontrôlable. Trop d’espoir. Trop de joie et de larmes. La révolution sonkoîenne ira jusqu’au bout ou réhabilitera l’ancien régime pour plusieurs décennies. Sonko et Faye n’en sont que les voix qui auront prêché dans le désert et se seront sacrifiées. Il faut espérer que le peuple de ses adeptes sera la levure qui lèvera le pain d’un Sénégal sénégalais, et souverain comme sa Cour Suprême.

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