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KRISTINE TSALA, ARTISTE-PEINTRE, CAMEROUN : " Toute la restitution créative porte l’empreinte de l’artiste...son héritage culturel, son vécu, ses émotions."




1/ Kjj - « Kristine Tsala, vous êtes artiste-peintre Camerounaise vivant entre Cameroun et Côte d’Ivoire... Vous avez été initialement formée à l’Institut de Formation Artistique de Mbalmayo, pas loin de Yaoundé, au Cameroun. Une école qui forme de plus en plus de talents que l’on voit aller à la conquête du monde ces dernières années... Est-ce que vous pouvez nous parler de cette école : sa philosophie, sa pédagogie, sa conception de l’artiste dans la société africaine aujourd’hui... ? De façon générale, qu’en est-il des idées telles que l’art africain était essentiellement utilitaire et loin du fameux « l’art pour l’art » revendiqué par les écoles occidentales depuis leur rencontre avec l’Afrique par la Colonisation ? Que vous enseigne cette école africaine, fruit de la collaboration entre le Diocèse de Mbalmayo et la Coopération italienne : qui vous enseigne, quelle est votre spécificité, s’il en est, par rapport aux Écoles des Beaux-Arts européennes ? »





Kristine Tsala - « L’IFA, institut de formation artistique de mbalmayo est une structure du CPS, Centre de promotion Sociale fruit d’une collaboration entre le diocèse de mbalmayo et une ONG chrétienne Italienne. Ses principes s’orientent dans la formation des élèves aux métiers de l’art en activant leur sensibilité, leur fibre artistique. Tout ceci dans des programmes en majorité dominés par l’histoire de l’art Africain et Occidental. Leur

philosophie repose sur le concept utilitaire de l’art africain. A travers le terme ‘’utilitaire’’ l’institut entend promouvoir des programmes utiles à la communauté. Un exemple concret à cet effet est la conception d’objets du quotidien à partir d’un fondement traditionnel. La spécificité de cette école repose sur un véritable métissage de l’héritage des deux pôles, une façon extraordinaire d’en apprendre sur d’autres cultures dans un langage commun. »


2/ Kjj - De façon générale, quelle est la place de l’artiste aujourd’hui au Cameroun, par extension, en Afrique : qui est-il, où vit-il, de quel milieu vient-il, quelle formation a-t-il et quel public reçoit son œuvre ? Est-il porté par une culture, une sensibilité africaine ou celle supposée universelle : qu’est-ce qui le différencie, le caractérise, si tel est le cas, par rapport à un artiste Italien, Chinois ou Mexicain contemporain ?


Kristine Tsala : - « De façon générale, l’artiste contemporain, au Cameroun, peine à s’en

sortir car les différentes programmations budgétaires négligent les volets liés à l’art. Le manque d’infrastructures et surtout l’absence de professionnels chevronnés dans les différentes écoles des Beaux-arts contribuent également à freiner l’éclosion de talents. L’artiste est un être spécial, un passeur qui invente un langage avec ses codes pour communiquer au monde ses émotions, ses différentes introspections, ses questionnements et ses recherches. Des statistiques estiment que 70% des artistes vivent en marge de la société, ce qui pourrait s’expliquer par un besoin de solitude considéré à juste titre idoine à la création. Les artistes ne sont pas issus de milieux spécifiques ni de classes particulières, ils viennent de tous les milieux sociaux. Si quelques-uns sont diplômés, la majorité est autodidacte. L’art longtemps perçu comme élitiste et conservateur connaît aujourd’hui, grâce à l’avènement des réseaux sociaux, un regain d’accessibilité. L’information est rendue accessible et abondamment disponible à toutes les couches sociales.


Toute la restitution créative porte l’empreinte de l’artiste, c’est un principe fondamental : son héritage culturel, son vécu, ses émotions, ses questionnements... Ce qui va le différencier des autres artistes Chinois ou Mexicain sera sa sensibilité et son originalité mais, aujourd’hui, il devient difficile de mettre des étiquettes sur les différents styles d’art par rapport à leurs origines. La mondialisation et la démocratisation des outils technologiques y sont pour beaucoup.


3/ Kjj : -Et de ce point de vue, comment peut-on appréhender votre œuvre. Quelle est sa fondation technique, son inspiration en matière de style, à quel imaginaire puise-t- elle et est-elle porteuse d’un langage, d’un message ou d’une idée, même invisible et spirituelle ?


Kristine Tsala : - « La lecture de mes œuvres passe par votre curiosité, votre ouverture d’esprit, la recherche de ma démarche artistique pour une meilleure compréhension et la motivation à pénétrer mon univers de création. Ma première technique fut portée sur la matière telle que les morceaux de textiles, du carton, de la fibre végétale. Aujourd’hui la matière est devenue relief. Mon art explore le thème de la « Mémoire » que je décline en inquisitionnant des lieux et des objets. Ce principe est extraordinaire car il extirpe des données ou informations sous formes de dessins, peintures, installations et écriture.


4/ Kjj : -Pour ce qui concerne le Cameroun spécifiquement, comment s’organise le marché de l’art : les galeries, les cotations, les expositions, la valeur de l’objet d’art... quels sont les principaux lieux ou les principales figures qui s’en occupent ? On peut penser au Doual’Art de la Princesse Marylin Manga Bell, qui vous a propulsée vers l’international : qui sont les autres acteurs connus ou moins connus pour qui veut explorer le monde de l’art au Cameroun ?

Autrefois ce choix ne concernait que l’art musical...est-ce que les arts plastiques appellent un débat spécifique ? Le Camerounais achète-il des objets d’art, l’artiste vit-il de son art (on peut l’espérer pour vous qui êtes maintenant connue), comment vous est venue l’idée d’en faire un métier et comment avez-vous convaincu votre famille ?


Kristine Tsala : - « Au Cameroun, les galeries, les musées et centres d’art contemporain fonctionnent suivant leurs propres philosophies ou démarches. Ils sollicitent les artistes pour un contrat d’exposition ou alors un contrat annuel pour une succession de projets sur l’année. Nous avons comme lieux majeurs de monstration des travaux artistiques, premièrement, le musée national de Yaoundé, le centre d’art contemporain de douala plus connu sous la dénomination de Doual’art dirigé par Marilyn Douala Manga Bell, la galerie MAM de Mareme Malong, la galerie Annie Kadji et le dernier né Bolo Espace art et culture de Édith Mbella pour ne citer que ceux-là. Doual’art est le pionnier dans les représentations artistiques contemporaines. Il se démarque aussi par sa particularité à participer au développement et à la mise en valeur de la ville de douala en menant à la fois des actions artistiques et des actions d’aménagement urbains (actions sociales, création d’espaces d’adduction en eau potable dans les communes). Doual’art reste l’espace Sollicité pour des projets de recherches expérimentales, des expositions multimédias. Son cadre et son équipe technique siéent aux perspectives recherchées par les artistes...

C’est à cet effet que cet espace a accueilli en 2020 mon exposition majeure multimédia (écriture, dessins, art d’installation, peinture). Ce fut une belle expérience qui a marqué la fin d’une démarche en préfigurant le début d’une autre encore en expérimentation aujourd’hui.


L’art que je pratique est une invite à la réflexion, au débat et à la projection. C’est une façon pour moi de me mettre dans les prédispositions visant à intéresser les experts tels que les critiques d’art, les commissaires d’exposition et les artistes à la démarche que je défends. Les Camerounais n’achètent pas spontanément la production artistique contemporaine si oui le pourcentage reste très négligeable. L’artiste peut vivre de son art s’il arrive à faire connaître son travail à l’international pour le fructifier à travers les expositions.

C’est ma passion pour le dessin, les lignes, la couleur qui me carbure depuis et qui me mène jusqu’ici. Quant à ma famille, ce fut au départ des incompréhensions infinies personne ne voulait comprendre que je fusse passionnée par le dessin et l’art en général. Et Lorsque j’ai cru saisir signaux de compréhension, elles étaient encore mêlées au doute.

C’est finalement le temps et mon abnégation qui m’a fait être acceptée. Surtout parce que, témoin de mon parcours artistique, de mes projets ici et ailleurs, qu’ils se sont finalement

pliés à l’évidence.


5/ Kjj - Vous avez ensuite poursuivi votre formation au Congo (RDC), à l’Ecole des Beaux- Arts de Kinshasa. Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour le Congo et observe-t-on l’émergence voire la convergence d’un style africain nourri par ce type de formations panafricaines ?


Kristine Tsala : Ma motivation d'aller poursuivre mes études à l’ABA (Académie des Beaux-Arts de Kinshasa), m’offrit l’occasion de rencontrer l’immense artiste peintre Congolais Roger Botembe. La rencontre s’est faite alors qu’il se préparait à diriger un Show Painting avec les enseignants et les étudiants. Son travail puise dans la tradition du masque africain.


6/ Kjj - Au-delà d’un style africain, existe-t-il une conscience de l’artiste africain qui anime son œuvre et sa portée politique, culturelle ou spirituelle ? L’Artiste africain est-il libre s’il est financé par des programmes étrangers qui sélectionnent, subventionnent, financent et promeuvent certains au détriment d’autres ?


Kristine Tsala : - « L’artiste africain ou un autre d’une autre origine produira des œuvres qui portent son empreinte culturelle, politique et spirituelle, ceci dit, inexorablement l’artiste est le fruit de sa société comme tout être humain. L’artiste africain ou un autre se conformera aux règles du contrat qui le lie à une structure artistique que ce soit une galerie ou un mécène. »


7/ Kjj : - Quels sont les besoins de l’artiste africain aujourd’hui, l’artiste en herbe, celui qui a du talent et qui aimerait en faire un métier... : que peut-il faire individuellement comme effort, que peut faire la famille, la société, l’État... ? Par ailleurs, dans la diffusion et la valorisation, les médias contribuent-ils, à la mesure que vous souhaitez, à accompagner ces efforts-là ?


Kristine Tsala : - « L’artiste a besoin des plates-formes artistiques structurées techniquement et professionnellement respectant les normes internationales, c’est-à-dire, avoir accès aux matériels de qualité et s’entourant des professionnels qui mèneront avec lui des réflexions intellectuelles et conceptuelles sur l’extension de son travail artistique. Il a également besoin que le public local s’implique d’avantage et prenne part à ses projets artistiques. L’éducation à l’art reste une priorité pour que perdure et vive l’art. L’artiste en herbe a besoin de voir des artistes professionnels évoluer positivement, ce qui lui donnera confiance et assurance. Le jeune artiste doit rester proactif dans sa démarche artistique et intégrer un esprit de curiosité, de recherche, couplé à un travail acharné. A quiconque ayant du talent et souhaitant en faire un métier, je dirais de côtoyer les milieux artistiques (se rapprocher des artistes professionnels et aller voir des expositions, lire, prendre part aux ateliers et voyager). Sa famille et la société doivent l’encourager à tous les niveaux, et inconditionnellement ! Quant à l’État, sa responsabilité est de mettre en place des politiques culturelles, structurelles et professionnelles visant tout citoyen appelé aux métiers de l’art.

L’ambition et la volonté médiatique restent louables mais nécessitent des formations professionnelles pour une meilleure compréhension des sujets artistiques et la quintessence même de l’art contemporain. Beaucoup d’efforts restent à fournir.

Je tiens à remercier profondément ma Maman qui m’a inscrite malgré ses appréhensions au concours d’entrée à l’IFA. Elle avait cédé (sans rien y comprendre) à ma témérité et ma passion pour ce métier qui me tenait à cœur. Je tiens également à dire toute ma gratitude envers l’institut de formation artistique (IFA), la seule école d’art de l’Afrique centrale dans les années 90. Ce pan historique me permet de rebondir sur les talents émergents. Ils ont la chance d’éclore dans un contexte où pullulent des écoles d’art et institutions artistiques. C’est une aubaine qui place plusieurs talents de manière pérenne dans les starting-blocks. Je tiens également à partager ma gratitude avec les artistes co-fondateurs du collectif d’artistes «3kokoricos» formé à Kinshasa en 2007. Merci Aux collègues artistes pour notre témérité. Merci à mon critique d’art. Merci à mon compagnon pour son soutien indéfectible. »


Kjj : - Merci beaucoup à vous, et bon vent !


Kidjidji Media : Gabriel Mbarga

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